Histoire de processus

Il y a les artistes pressés, les artistes empressés. Puis il y a les artistes qui ralentissent la cadence, posent leurs bagages et observent ; leur environnement, les personnes qui y gravitent, les micro-actions qui s’y déroulent et les jours qui y défilent.
Ils profitent du temps qui leur est imparti et se nourrissent des rencontres et des échanges qui s’y épanouissent, en arbitres et en témoins.

 

Naviguer à vue 
Escale #1

Pauline Desmoulières

 

Les artistes – nos histôrs – ont ancré leur embarcation pour plusieurs semaines sur les berges de terrains inconnus. Ils commencent à peine à explorer les parages, à reconnaître l’espace. Puis à le coloniser. Y bâtir une cité. Ou au moins, dans un premier temps, un espace de vies partagées. Nos histôrs bâtissent au coeur de cette idée qui tend à s’épanouir au fil des relations humaines encouragées à s’y développer. Le temps de cette première escale, considérons l’espace de l’oeuvre comme espace possible de relations à alimenter, et comme l’espace possible de prise en compte des contributions de chacun, et de tous. Un espace total et entier de réflexion partagée.

Partager l’espace d’exposition comme on partage une place publique. Comme on y passe côte-à-côte, comme on s’y arrête, comme on choisit d’y tisser des liens ou de tracer son chemin.
En réinventant la place publique, les passagers à quai font de l’espace d’atelier un nouvel espace d’Agora. L’atelier n’est plus désormais exclusif et privatif mais inclusif et ouvert 1. Chacun a l’occasion d’habiter la cité pour un moment – un morceau de vie – d’y côtoyer les bâtisseurs et d’en devenir usager puis de larguer les amarres.
Nul ne sait ce que deviendra la cité. Prendra-t-elle corps ?
Ne restera-t-elle qu’une idée ? Vivra-t-elle ? La vivra-t-on encore ?
Et que deviendra-t-elle, cette cité de tous, quand nos histôrs mettront les voiles ?

L’Histoire de processus qui s’écrit dans l’espace d’exposition ces prochaines semaines, c’est l’intégralité de ce qui va s’y dérouler – tout ce qui se vivra, tout ce qui se verra, tout ce qui se dira, tout ce qui se percevra et ce qui se partagera dans ce cadre – et qui constitue l’oeuvre dans un ensemble où l’art et la vie se confondent 2. Des situations.
De ces situations, imaginons que des projets éclosent ; de ces projets naîtront des formes et des idées, mises en oeuvre et en espace par les artistes, en forgerons, qui finiront par mener leur barque. Oui mais, dans un premier temps, toutes voiles dehors, ils naviguent à vue…

 

UPCOMING
Naviguer à vue Escale #2 : février
Naviguer à vue Escale #3 : mars

 

1 Référence à Bourriaud, Nicolas, Esthétique relationnelle, 1998 ; « Art relationnel : Ensemble des pratiques artistiques qui prennent comme point de départ théorique et pratique l’ensemble des relations humaines et leur contexte social, plutôt qu’un espace autonome et privatif. »

2 Référence à Kaprow, Allan, L’art et la vie confondus, 1996.